Hoàng Sa, Truong Sa

 

EDITORIAL

LA FRONTIERE, LES PARACELS ET LES SPRATLY

L'IMPUDENCE ET L'HYPOCRISIE

L'accord signé en mai dernier entre la Chine et la Crestone Energy Corporation sur l'exploitation pétrolière des îles Spratly remet à l'actualité le problème des Paracels  et Spratly, objet de discorde entre six pays (Vietnam, Chine, Formose, Philippines, Malaisie, Indonésie) mais terres vietnamiennes incontestées jusqu'au XXème siècle et toujours légalement incontestables malgré leur annexion de force par la Chine en 1974 (pour les Paracels) puis en 1988 (pour les Spratly).

Avant que fussent pressenties les richesses potentielles de ces archipels en guano et surtout en pétrole, personne ne discutait la souveraineté du Vietnam sur ces étroits bancs de sable et de rochers. Depuis cette découverte, les autres pays proches des archipels essayèrent par tous les moyens de s'emparer d'une part du gâteau détenu par un Viet Nam affaibli. Au nom de droits vagues et sans fondement, chacun se mit à élever des revendications timides, puis de plus en plus tonitruantes concrétisées à la fin par la main basse sur les îles convoitées.

Rapace entre les rapaces, la Chine voulait s'approprier la totalité des archipels et a réussi à la suite de deux coups de force meurtriers à évincer les Vietnamiens de tous les Paracels et du gros des Spratly. Le plus troublant dans l'histoire de ces hold-up perpétrés en plein jour a été à la fois l'attitude ambiguë des dirigeants de Hà Nôi et le silence plus ou moins complice des pays tiers, en particulier de la France et des Etats-Unis, qui auraient pu avoir leur mot à dire de par leurs liens étroits avec le Viêt Nam. Les tergiversations de Hà Nôi s'expliquent par une renonciation à la souveraineté du Viêt Nam socialiste sur les archipels faite en 1958 par les communistes vietnamiens au profit de la Chine lors de la lune de miel sino-vietnamienne, à l'époque où les archipels sous administration saigonnaise échappaient de toute façon à leur contrôle (voir article et document ci-contre).

Les contradictions américaines en ce qui concerne les archipels sont tout aussi révoltantes : en pleine guerre du Viet Nam, alors que les Etats-Unis se posaient en défenseurs du Viet Nam du Sud, par peur d'entraver son rapprochement avec Pékin, Washington interdisaient à l'aviation américaine de se porter au secours de la marine saigonnaise aux prises avec l'armée chinoise venue la déloger de force des Paracels; aujourd'hui tout en se faisant le champion du droit international, Washington entérine en quelque sorte les actes de brigandage chinois en laissant une compagnie pétrolière américaine signer avec la Chine un accord d'exploitation des Spratly. Mais qu'en est-il du mutisme français devant l'approbation violente des Paracels et Spratly par la Chine ? Paris n'a jamais élevé même timidement la voix à l'encontre des revendications chinoises pour témoigner de la souveraineté du Viet Nam sur les Paracels et Spratly, souveraineté au nom de laquelle la France a administré pendant près d'un siècle ces mêmes archipels. La neutralité bienveillante de la France envers Pékin cache-t-elle des marchandages secrets au détriment du Viet Nam ou de tortueux calculs diplomatiques ? Y-aura-t-il des dirigeants français libres et assez soucieux du droit des peuples pour réclamer un arbitrage impartial sur la question afin de rendre justice au Viet Nam ?

Tache d'huile chinoise depuis 1958 sur les îles vietnamiennes

Paracels et Spratly

Ðang Phuong-Nghi

14 septembre 1958, Pham Van Ðông, premier ministre nord-vietnamien "enregistre et approuve la Déclaration du 14 septembre 1958 du Gouvernement de la République populaire chinoise fixant les limites des eaux territoriales de la Chine ." (Paracels et Spratly entrent miraculeusement dans les eaux territoriales chinoises).

1959 : les Chinois tentent d'occuper les îles Spratly, mais sont repoussés par l'armée Sud-vietnamienne

1972 : les autorités communistes vietnamiennes redessinent leur carte maritime, Hoàng Sa (Paracels) et Truong Sa (Spratly) sont rebaptisées Tây Sa et Nam Sa, noms imposés par les Chinois.

20 janvier 1974 : les Chinois attaquent les îles Spratly gardées par l'armée sud-vietnamienne et les occupent définitivement : Silence complice des Nord-Vietnamiens et des Américains.

Mars 1988 : l'armée chinoise attaque l'armée communiste vietnamienne et s'empare des Paracels.

Novembre 91 : les Chinois proposent aux Vietnamiens un développement conjoint des archipels Paracels et Spratly.

Mai 92 : Pékin signe un contrat sans consulter Hà Nôi avec la Crestone Energy Corporation sur l'exploitation de gisements pétrolifères dans les parages de Spratly.

A l’époque où les Paracels (Hoàng Sa ou Sables jaunes, nom donné originairement aux deux archipels, qui n’en forment en fait qu’un seul, très étendu) et Spratly (Truong Sa ou Sables longs) archipels au large des côtes d’Annam, n’étaient que des bancs de sable et des rochers déserts (par ailleurs inhabitables par manque d’eau potable) fouettés par le vent et la tempête, ignorés du reste du monde sauf des pêcheurs et marins, qui redoutaient leur approche par jour de mauvais temps, tant le risque de naufrage y étaient alors fréquent, les Vietnamiens savaient déjà tirer parti de la profusion de poissons et oiseaux sur ces îles ainsi que du butin recueilli sur les nombreuses épaves des bateaux.

Documents vaseux

A partir du 17è siècle, un régiment spécial était même institué par la Cour de Huê pour prendre en charge l’exploitation systématique de l’archipel. La souveraineté de facto du Viêt Nam sur ces îles était reconnue tacitement et sans contestation aucune par tous les Etats, avec lesquels il entrait en contact, y compris par la Chine, au vu de la coutume, qu’avaient les rescapés des naufrages dans les parages de l’archipel de venir au Viêt Nam demander aide et protection au souverain vietnamien.

La découverte de richesses potentielles des archipels en guano et en pétrole suscita graduellement au XXème siècle la convoitise des voisins du Viêt Nam. Profitant de la faiblesse de ce dernier, soumis à la colonisation française puis engagé dans une longue guerre fratricide, à partir de 1909 la Chine (plus tard à la fois Formose et la Chine communiste) se mit à élever des revendications sur tous les Paracels et Spratly sur la base de documents vaseux.

Les Philippines lui emboîtèrent le pas en 1951, mais limitaient leurs visées à quelques îles de Spratly sous le prétexte de la proximité géographique, ce que firent aussi l’Indonésie en 1971, puis la Malaisie en 1979.

Exemple impuni

En 1959 la Chine essaya pour la première fois de traduire sa cupidité en acte en faisant débarquer subrepticement des soldats déguisés en pêcheurs sur plusieurs îles des Paracels, mais à la confusion de Pékin ils furent tous pris et démasqués par la marine de la République du Sud-Viet Nam responsable de la protection de l’archipel rattaché à une province du Sud-Viet Nam . Le second coup de force chinoise chinois, soutenu par la neutralité bienveillante de Washington soucieuse de préserver ses nouvelles bonnes relations avec Pékin, et beaucoup mieux préparé militairement, eut lieu en janvier 1974 ; les garnisons sud-vietnamiennes installées aux Paracels ne purent soutenir l’offensive chinoise et, faute d’un renfort massif des troupes, occupées sur le terrain à contenir l’invasion nord-vietnamienne, durent se retirer et laisser la place aux Chinois, qui ne l’ont pas relâchée depuis. 

Encouragés par l’impunité de leurs actes, les Chinois se décidèrent en 1988 à s’emparer en plus des îles des Spratly après un bref combat naval avec les troupes de République socialiste du Viet Nam. Entretemps, l’impudence des Chinois avait incité en 1971 les Philippines à affirmer leurs prétendus droits par l’occupation illégale de plusieurs îles des Spratly non gardées par la marine vietnamienne ; le coup d’audace philippin ayant réussi, en 1983 la Malaisie avait répété le même manège à son profit. Bien que les Paracels et les Spratly soient tombées dans les mains de leurs rapaces voisins, légalement et dans le cœur des Vietnamiens, elles restent terres vietnamiennes, et dès que l’occasion se présente, les responsables vietnamiens ne manquent jamais de rappeler la souveraineté du Viet Nam sur les archipels.

Main basse

C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la récente protestation de Hà Nôi à l’encontre du contrat signé entre Pékin et la compagnie Crestone Energy Corporation pour l’exploitation pétrolifère des Paracels. Cette protestation purement formelle, puisque le Viet Nam isolé sur le plan international et sans grande défense face à la Chine, servirait au moins à prouver devant l’opinion publique l’attachement du régime de Hà Nôi à la souveraineté nationale, s’il n’existe des preuves démontrant le contraire et dévoilant la foncière hypocrisie des communistes vietnamiens en la matière. Si les Chinois par dépit n’ont pas eux mêmes vendu la mèche (Voir « La souveraineté incontestable de la Chine sur les îles Xisha et les îles Nansha, Beijing, éd. En langues étrangères, 1980), rares sont ceux qu savent que c’est le gouvernement de Hà Nôi lui-même, qui avait poussé Pékin à s’emparer des Paracels. La première tentative chinoise de faire main basse sur les Paracels avait été précédée par une cession en bonne et due forme de la souveraineté vietnamienne ou la reconnaissance de la souveraineté chinoise sur tous las archipels des Spratly et Paracels par le gouvernement communiste vietnamien.

Par une note du 14-9-1958 adressée par Pham Van Ðông à Zhou En lai, le gouvernement de la République démocratique vietnamienne enregistre et approuve la Déclaration du 4 septembre 1958 du gouvernement de la République populaire chinoise fixant les limites des eaux territoriales de la Chine.

Capitulation de Hà Nôi

Certes cette sorte ne fait pas nommément mention des îles Paracels et Spratly, et les communistes vietnamiens s’appuient sur cette omission diplomatique pour nier le forfait, mais il suffit de lire la Déclaration en question pour voir que les Chinois comprennent bien les deux archipels dans les limites de leur territoire.

D’ailleurs les communistes vietnamiens se gardent bien et pour la cause de répondre au sujet de la carte page 19 de « l’Atlas du Monde édité en 1972 par le Département des cartes et mesures du Palais du premier ministre, où les deux archipels sont désignés sous leur nom chinois Tây Sa (Xisha) et Nam Sa (Nansha) au lieu de leur nom vietnamien, détail plus que significatif, quand on se réfère à la note susdite. Autre confirmation de la capitulation de Hà Nôi devant Pékin, la déclaration faite en 1965 par ses dirigeants aux Américains, selon laquelle les Paracels font partie de la Chine, que signale Hughes Jean de Diamoux dans « Les loges françaises dans l’Inde et le Bangla Desh et les îles Spratly, Paris, Académie des Sciences d’Outre Mer, 1986).

Mépris total

Il faut dire qu’avant 1975 les communistes vietnamiens avaient d’autant peu de scrupule à brader les Paracels et les Spratly aux Chinois qu’ils n’exerçaient aucun contrôle sur ces îles, qui dépendaient de l’administration saigonnaise. Hanoi s’étant donc fait le complice de Pékin, il n’est pas étonnant que ses dirigeants ne réagirent point devant la prise des Paracels par les Chinois. Même après la victoire du Nord Viet Nam sur le Sud Viet Nam, qui mettait tout le pays y compris donc les Paracels et les Spratly sous la sauvegarde de Ha Noi, les dirigeants communistes n’osaient critiquer ouvertement la Chine et devaient s’abriter derrière le paravent d’un gouvernement fantôme du Sud Viet Nam formé par le mythique Front de Libération du Sud Viet Nam pour signer ces protestations. Ce n’est qu’en 1978 à l’éclatement de la guerre sino-vietnamienne que Ha Noi fit entendre pour la première fois une affirmation officielle de la souveraineté vietnamienne sur les Paracels et Spratly. Mais cette souveraineté, le régime ne doit pas y tenir beaucoup, puisqu’en novembre 1991 un accord économique sino-vietnamien évoque un développement conjoint des archipels, c’est-à-dire une reconnaissance partielle de la souveraineté de la Chine sur les îles. Mais l’appétit chinois n’a que faire des réserves tardives de Ha Noi, et c’est dans le mépris total des droits du peuple vietnamien que Pékin a signé en ami dernier son contrat avec la Crestone Energy Corporation, acculant ainsi Ha Noi à une protestation de principe pour sauver la face. La propagande communiste a toujours présenté les dirigeants de Ha Noi comme des patriotes purs et durs, pointilleux en matière d’indépendance et de souveraineté nationale. On voit à l’examen du problème des Paracels et Spratly ce qu’il en est en réalité. Leur conduite éhontée en ce qui concerne ces archipels jette le complet discrédit sur leur capacité comme leur volonté de défendre les intérêts de la nation, et le peuple vietnamien si longtemps bafoué n’aura de cesse de les chasser du pouvoir.

ÐPN

Tin Tuc juillet 1992

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Note du 14-9-1958 adressée par le premier ministre vietnamien Pham Van Ðông au premier ministre chinois Zhou En lai, « …Le gouvernement de la République démocratique vietnamienne enregistre et approuve la Déclaration du 4 septembre 1958 du gouvernement de la République populaire chinoise fixant les limites des eaux territoriales de la Chine… »

 

Braderie de la souveraineté

Ðang Phuong-Nghi

La teneur du traité de délimitation des frontières signé entre la Chine et le Viet Nam à la fin de l’an 2000 tenue jusqu’ici dans le plus grand secret vient d’être partiellement dévoilée via des fuites provoquées par quelques cadres révoltés à l’approche de sa prochaine ratification par l’Assemblée Nationale. Scandalisés, nous apprenons que sans la moindre nécessité vitale, Hà Nôi a cédé à Pékin par rapport aux frontières délimitées par la convention franco-chinoise de 1887 toujours en vigueur une bonne portion du territoire national, plus de 750 Km2 de kilomètres de terres frontalières (accord de décembre 1999) et de milliers de km2 d’eaux territoriales (accord de décembre 2000). Dans une lettre de protestation rendue publique sur Internet, Ðô Viêt Son un membre chevronné du parti outré par l’indigne braderie de la souveraineté nationale appelle les représentants du peuple à rejeter ce traité aussi honteux qu’illégitime signé sous Lê Kha Phiêu débarqué justement pour gestion opaque et calamiteuse.

Les concessions semblent entériner un état de fait résultant du grignotage des provinces septentrionales du Viet Nam par des colonies chinoises et du déploiement des navires de guerre chinois en Mer orientale. Forts de leur supériorité numérique et de leur puissance militaire, les Chinois n’ont attendu ni le traité, ni sa ratification pour annexer les territoires occupés. C’est ainsi que des touristes vietnamiens venus visiter la porte historique du Viet Nam (Ai Nam Quan), ont eu la surprise de s’entendre dire qu’elle se trouve bien plus loin à l’intérieur des terres chinoises ! Dans le golfe du Tonkin non loin des côtes vietnamiennes, patrouillent en permanence des croiseurs chinois, et sur une carte diffusée sur la toile par des opposants on peut voir que la Chine s’est arrogée les deux tiers des eaux du golfe, repoussant la frontière maritime avec le Viet nam de façon à englober les zones les plus riches en minerais ! Par ailleurs, les îles Spratley et Paracels, dont des documents historiques attestent l’appartenance au Viet Nam, ont été en grande partie prises d’assaut par la marine chinoise, dont l’ardeur n’a pas été tempérée que par la subite convoitise d’autres pays de la région.

Face à l’invasion insidieuse du pays par la Chine, au lieu de protester énergiquement et de poursuivre l’envahisseuse devant les tribunaux internationaux, les autocrates de Hà Nôi se sont aplatis autant par crainte du grand frère que par complicité avec un régime de même nature que le leur. Quand on sait l’attachement jaloux des Vietnamiens à la terre des ancêtres, leur acharnement à défendre l’indépendance nationale, leur histoire mouvementée semée de guerres inégales et pourtant victorieuses contre le géant nordiste toujours prêt à les phagocyter, la reddition au diktat chinois par les dirigeants actuels est une monumentale trahison, dont seuls quelques personnages voués aux gémonies se sont rendus coupables dans le passé.

Certes plaintes et revendications ne pousseront guère la Chine à renoncer à ses visées expansionnistes, mais auront au moins laissé intact le droit (théorique) du Viet Nam sur ses eaux et terres frontalières, qu’un gouvernement plus fort dans de circonstances favorables pourra récupérer. Alors que consentir officiellement et de plein gré à la spoliation, c’est s’interdire toute réclamation ultérieure. L’expérience montre en outre que la lâcheté devant la force brutale loin d’arrêter son déploiement ne l’incite que plus à s’exercer. Ainsi à peine satisfaite des concessions territoriales du Viet Nam, la Chine pense-t-elle déjà à le soumettre économiquement. Comme si la production vietnamienne n’est pas assez asphyxiée par les 60 % de produits importés d’origine chinoise, Pékin fait pression sur Hà Nôi pour accroître les échanges entre les deux pays, de sorte qu’ils atteignent 5 milliards en 2005 !

La triste ironie pour le Viet Nam est que le parti coupable de haute trahison s’était emparé du pouvoir en se faisant passer pour patriote et en traitant ses adversaires de vendus. Mais les pires vendus de l’histoire vietnamienne n’ont jamais porté atteinte à l’intégrité du territoire national au profit de l’étranger en situation de paix, sans qu’une grande défaite militaire ne les y contraigne. Peut être les traîtres excusent-ils leur acte par le climat de platitude générale vis-à-vis du céleste empire : comment le petit Viet Nam peut-il résister, quand de riches et grands pays comme ceux d’Occident se laissent intimider par l’appétit de puissance de l’ogre asiatique au développement duquel ils contribuent avec leurs investissements ? Devançant comme à son habitude les désirs de Pékin, Paris ne vient-il pas de refuser le visa d’entrée au président élu taiwanais pourtant invité par le Parlement de Strasbourg ?

ÐPN

Tin Tuc novembre 2001

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